POURIM : ORIGINES ET COUTUMES

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POURIM & coutumes :

Lecture de la Meguila

La lecture du Livre d’Esther, qui se présente sous la forme d’une meguila (« rouleau »), est érigée en pratique perpétuelle, le 14 adar pour les habitants des petites villes et villages et le 15 adar pour ceux des villes fortifiées à l’époque de Josué27 (afin de ne pas diminuer le statut de Jérusalem, dont les murailles sont en ruine au temps d’Esther, par rapport à celui de Suse28).

Rabbi Yehoshoua ben Levi (en)29 (ou Bar Kappara (en)30) rend la lecture de la Meguila obligatoire pour les femmes car c’est par une femme que le miracle est arrivé ; la lecture doit se faire non seulement la journée du 14 (ou du 15) adar mais aussi la veille de celui-ci29. Selon Rabbi Meïr, elle doit être lue dans son entièreté tandis que selon Rabbi Yehouda, elle peut être commencée avec l’introduction de Mordekhaï (Esther 2:5) ou, selon Rabbi Yosse, avec celle de Haman (Esther 3:1)31 – les codificateurs médiévaux ont retenu la première opinion32. Elle peut, théoriquement, être lue dans la langue comprise par le public mais les décisionnaires médiévaux s’opposent à cet usage et imposent l’hébreu33. La lecture se fait souvent à la synagogue, mais pas obligatoirement.Effacement du nom de Haman (Mechiyat Haman) du bois et de la pierre, selon la coutume des Tossafistes, à la synagogue d’Amsterdam, en 1701.

Divers usages apparaissent afin de magnifier le cérémonial de la lecture : le Talmud prescrit notamment d’encadrer la lecture de bénédictions34 et de lire les noms des dix fils de Haman (Esther 9:7-10) en un souffle afin de faire savoir qu’ils sont morts simultanément (ou, selon une interprétation plus récente, parce qu’il n’est pas agréable aux Juifs d’évoquer la mort, fût-ce de leurs ennemis)35 On prend l’habitude, dès l’époque des gueonim, de dérouler entièrement la meguila avant sa lecture et de réciter deux, puis quatre versets dits « de rédemption » (Esther 2:5, 8:15-16 & 10:3) à voix haute afin de publiciser le miracle36. Quelques siècles plus tard, les Tossafistes de France et de Rhénanie instaurent la pratique de cogner des morceaux de bois sur lesquels est marqué le nom de Haman afin de se conformer au commandement d’effacer le nom d’Amalek, même du bois et de la pierre ; cette pratique évolue pour donner lieu à une cacophonie de sifflements, crécelles et autres manifestations bruyantes à la moindre mention du nom de Haman37. En ce qui concerne la Meguila elle-même, le texte du rouleau d’Esther doit être écrit à la main, en hébreu, sur du parchemin. Selon la tradition, le texte est présenté en colonnes et peut être illustré, ce qui fait souvent des Meguilot des objets de grande beauté38.

La lecture de la meguila est généralement suivie de chants prenant leur source dans les versets du Livre d’Esther et les passages des Talmuds relatifs à Pourim avec, notamment, Chochanat YaakovOuMordekhaï yatzaMishenikhnas adar et Hayav einich39.

Le repas festif de Pourim constitue une obligation religieuse (mishte vesimha). De façon symbolique, le festin renvoie aussi aux nombreux banquets dans l’histoire de la meguila. La composition du repas varie selon les traditions culinaires, mais il est important de marquer la spécificité du festin de Pourim – qui doit se distinguer d’un repas habituel – par la présence de plats élaborés et souvent carnés. En Tunisie notamment, le festin de Pourim est constitué de viandes grillées (méchoui) accompagnées d’une salade fraîche d’herbes aromatiques et de galettes salées et anisées (zraderks) ou d’une poule farcie, suivies des gâteaux de Pourim dont des yoyos au miel. Par son aspect exceptionnel, le festin de Pourim est donc basé sur le modèle du repas sabbatique41.Pourim hassidique à Safedxixe s.

Les rabbins ayant remarqué que le mishte (festin alcoolisé) figure de manière prééminente dans le Livre d’Esther, en concluent que « le miracle a eu lieu grâce au vin » ; par conséquent, les festins prescrits en fin de Livre doivent être alcoolisés. Rava déclare que « l’on doit « se parfumer » (s’enivrer) à Pourim jusqu’à ne plus pouvoir distinguer « maudit soit Haman ! » de « béni soit Mardochée ! » ».

Il est aussi à l’origine des premiers chefs-d’œuvre de la littérature parodique juive, dont la Massekhet Pourim ; rédigé au xive siècle par Kalonymos ben Kalonymos dans le style du Talmud, ce « traité de Pourim » prescrit de s’enivrer joyeusement et proscrit formellement l’eau42,43.Pourim dans la communauté juive de Bitola (Monastir) en Macédoine, 1917.

Cette veine extravagante et burlesque se poursuit pendant la journée : le Talmud évoque des « jeux de Pourim » parmi lesquels des sauts au-dessus du feu44 et, dès le ve siècle, il est de coutume de réaliser des processions solennelles au cours desquelles Haman est pendu ou brûlé en effigie. Certains voient dans cette coutume l’origine des pièces jouées à Pourim (en) sur les bases desquelles le théâtre yiddish se développe au xviiie siècle45. Connu aussi sous le nom Pourim Shpil dans la tradition ashkénaze, ces pièces de théâtre satiriques incorporent tous les arts du spectacle – théâtre, musique, danse, chants, mimes et déguisements. Les thèmes des Pourim Shpil sont généralement fondés sur le récit du Livre d’Esther mais peuvent incorporer d’autres récits ou personnages bibliques, ou bien des éléments inspirés de l’actualité et des personnages politiques contemporains46. La pratique a été inscrite à l’Inventaire du patrimoine culturel immatériel en France, en tant que pratique festive, en octobre 201547.

Coutumes sociales

L’échange de colis et les dons aux indigents deviennent avec le temps l’un des aspects principaux de Pourim48.

Ils ont pour but, selon Israël Isserlein (en), une certaine égalisation sociale dans l’accès à la joie en ce jour, transcendant même la barrière entre Juifs et Gentils50. Il a aussi été suggéré plus récemment que ces coutumes répondaient trait pour trait aux accusations portées par Haman envers le peuple juif, puisqu’il les déclare dispersés et qu’ils se montrent solidaires51.

Observance de Pourim dans le judaïsme rabbinique

« [Nous te sommes aussi reconnaissants] pour les miracles, la rédemption, les haut-faits, les actes salvateurs, les merveilles, les consolations et les batailles que Tu as faits pour nos pères en ces jours [et] en ce temps, au temps de Mardochée et Esther dans Suse la capitale, lorsque Haman le mauvais s’est élevé contre eux, qu’il a demandé de détruire, tuer et perdre tous les Juifs, jeunes, vieux, femmes et enfants en un jour, le treizième jour du douzième mois qui est le mois d’adar, et de piller leurs biens. Toi, dans Ta grande miséricorde, Tu as anéanti son conseil, corrompu ses pensées et Tu lui as renvoyé son salaire à la figure. On l’a pendu avec ses fils à l’arbre ».

Texte du ’Al Hanissim, bénédiction spécifique de Pourim52.

La fête de Pourim est célébré depuis le soir du 14 adar au soir du 15, en terre d’Israël comme en Diaspora, dans les villes qui n’étaient pas fortifiées à l’époque de Josué. Les habitants de ces villes fortifiées, dont Jérusalem, célèbrent le Pourim de Suse qui a lieu le jour suivant53. Cette situation donne lieu, lorsque le Pourim de Suse a lieu à chabbat, au Pourim meshoulash (« Pourim tripartite »), où les célébrations sont réparties sur trois jours54.

Bien que les jours de Pourim soient qualifiés de yom tov (Esther 9:19), ils n’ont pas le caractère saint du chabbat ni des autres fêtes bibliques ; il n’y a aucune restriction d’activité et les mariages sont permis55. Cependant, les activités professionnelles et, plus généralement, tout ce qui pourrait empêcher de se réjouir en ce jour, sont découragés voire, en certains endroits, restreints56. En outre, les marques publiques de deuil sont interdites57.

Du point de vue rituelPourim se distingue par ses quatre prescriptions (mikra meguila, mishte vesimha, mishloah manot, matanot laèviyonim). Du point de vue liturgique, une bénédiction spécifique intitulée Al Hanissim et analogue à celle de Hanoucca est intercalée dans la bénédiction de hoda’a (« reconnaissance [de la majesté divine] ») des prières du soir, du matin et de l’après-midi ainsi que dans la bénédiction qui suit les repas pris le 14 adar, afin de louer Dieu pour les miracles réalisés en faveur des Juifs58.

Lors des années embolismiques, où un second mois d’adar, dit adar beth ou vèadar est intercalé dans le calendrierPourim est célébré le 14e jour de ce second mois59. Les 14 et 15 adar du premier mois fait l’objet de quelques manifestations de joie, appelées Pourim katan60.

L’Empire perse du 4ème siècle avant l’ère commune s’étendait sur 127 pays et tous les Juifs en étaient les sujets. Après avoir fait exécuter son épouse, la reine Vashti, pour lui avoir désobéi, le roi Assuérus organisa un concours de beauté pour trouver une nouvelle reine. Une fille juive, Esther, trouva faveur à ses yeux et devint la reine – bien qu’elle refusât de divulguer quelle était sa nationalité.

Entre temps, l’antisémite Haman fut nommé premier ministre de l’Empire. Mordékhaï, le chef des Juifs (et le cousin d’Esther), défia l’ordre du roi en refusant de se prosterner devant Haman, qui portait l’effigie d’une idole sur sa poitrine. Celui-ci, exaspéré, convainquit le roi de promulguer un décret ordonnant l’extermination de tous les Juifs le 13ème jour de Adar – une date qui fut tirée au sort par Haman.

Mordékhaï galvanisa les Juifs et les convainquit de se repentir, de jeûner et de prier D.ieu. Pendant ce temps, Esther invita le roi et Haman à participer à un festin. Lors de ce festin, Esther révéla au roi son identité juive. Haman fut pendu, Mordékhaï fut nommé premier ministre à sa place et un nouveau décret fut promulgué, donnant au Juifs le droit de se défendre contre leurs ennemis.

Le 13ème jour de Adar, les Juifs prirent les armes et vainquirent leurs agresseurs, en tuant de nombreux. Le 14 Adar, il se reposèrent et célébrèrent leur victoire et le miracle de D.ieu. Dans la ville de Chouchane, il leur fallut un jour de plus pour atteindre la victoire.